Pour cette session photo, il m'avait été demandé de prendre les gestes des enfants. Des détails, des groupes qui illustrent le contact ou bien la distance. Je devais aussi prendre des photos où les enfants n'étaient pas reconnaissables (cela ne veut pas dire que vous ne vous reconnaîtrez pas, mais quelqu'un qui ne vous connaît pas ne pourra pas le faire), soient anonymes.

Pour montrer le contact ou la distance, l'image en mouvement est parfois plus significative. C'est pour cela que j'ai pensé à décomposer les mouvements en faisant des polyptiques. Je prenais des images très rapprochées (en rafales), comme une caméra de cinéma peut le faire, pour les mettre ensuite ensemble. Je me suis parfois assise par terre, je me suis parfois mise très loin du groupe pour ne voir qu'un petit élément, un détail et le prendre en photo.

Il y a un texte d'un très grand cinéaste du tout début du cinéma, Abel Gance, quand les caméras étaient encore très grosses et encombrantes, qui m'a toujours poursuivit et qui m'a accompagné pendant que je vous prenait en photo :

« Ma caméra, je l'ai placée sur un chariot, je l'ai fait rouler comme un ballon sur la terre, je l'ai attaché au cou, au ventre des chevaux emportés au galop. Je l'ai lancée dans les vagues, je l'ai attachée à l'homme et fait marcher, courir, tourner la tête, tomber à genoux. J'en ai fait un être vivant, un cerveau et ce qui est mieux encore, j'ai essayé d'en faire un cœur. »